mai 24 2016

C’est la fonction montante chez les géants du Web comme chez les start-up, et elle ne cesse de gagner du terrain dans les entreprises traditionnelles. Pourquoi le data scientist a-t-il tant la cote ?

 

En 2012, la Harvard Business Review le qualifiait de « job le plus attrayant du XXIème siècle ». En 2016, le site de recrutement américain Glassdoor le positionne à la tête des 25 métiers les plus cotés. Data scientist, ou « scientifique des données », est l’une des professions les plus convoitées par les recruteurs . Aux États-Unis, le nombre de postes de data scientists à pourvoir pourrait augmenter de… 15.000 % d’ici à 2018. « En France, ce sont surtout les entreprises qui font du BtoC qui ont pris la mesure des opportunités liées à l’exploitation, en temps réel, des mégadonnées », observe Ahmad Hassan, partner du cabinet Heidrick & Struggles où il est en charge de l’activité Transformation Digitale.

 

Quelle sont donc les spécificités de ces data scientists ? « La gestion de l’information n’est pas nouvelle en soi. Les postes de chargé d’études, de contrôleur de gestion ou encore de responsable des flux existent depuis longtemps. Ce qui change, c’est notamment l’immédiateté du traitement, explique Béatrice Grenade, ex-directrice de la marque et du digital chez Monoprix, aujourd’hui Chief Marketing Officer de Linkfluence, une start-up spécialisée dans la social media intelligence. Les évolutions vont si vite qu’il est devenu majeur pour l’entreprise de comprendre ce qui va se passer. Et de prendre les décisions en fonction ».

Exercer un impact direct sur le business

Le data scientist ne se contente pas de récupérer et de traiter les données. « Il identifie et anticipe les impacts que les informations collectées peuvent avoir sur le business », précise Ahmad Hassan. Les mastodontes du Web que sont Google, Facebook, Microsoft, Amazon et les petits nouveaux comme Airbnb et Uber misent depuis plusieurs années déjà sur leurs équipes de data scientists, car la « donnée client » est au cœur même de leur activité. Depuis, des entreprises de la banque-assurance ou la distribution leur ont emboîté le pas .

Les data sciences permettent à tous, distributeurs indépendants  comme groupes dotés de grandes marques, de bénéficier d’une connaissance très pointue des clients : qui achète quel produit, à quelle fréquence, dans quelle tranche de prix, en tenant compte de quel type de promotions ; qui s’intéressent à quoi, quels sont les signaux faibles et les tendances émergentes ? « Les data scientists pilotent la connaissance client pour l’ensemble de l’entreprise. Cela a un impact direct sur le business, en permettant l’optimisation des marchés et en constituant un énorme levier d’innovation », pointe Béatrice Grenade. A court ou moyen terme, tous les secteurs pourraient intégrer la gestion du big data dans leur activité. « Au-delà des données clients, il s’agit aussi d’informations émanant d’une veille stratégique sur le business », constate Ahmad Hassan.

Connaître les réalités des autres métiers

Les compétences du data scientist dépassent l’aspect technique et la maîtrise des nouveaux outils. « Ces profils disposent d’une parfaite compréhension du business et sont dotés de ce que l’on appelle les « social skills », cette aisance relationnelle indispensable lorsqu’il s’agit de travailler en transversalité avec toutes les autres business units, indique Ahmad Hassan. Cette vision globale de l’entreprise, couplée à une expertise pluridisciplinaire (ndlr : algorithmique, statistique, analytique, stratégique...), fait du data scientist un acteur clé de l’entreprise ».

Chez Walmart, multinationale américaine de la grande distribution, les algorithmes analysent 1.000 petabytes par heure, sachant qu’un petabyte équivaut à un million de gigabytes (le byte étant une unité de mesure de stockage en informatique). Une masse colossale d’informations est partagées de façon ciblée par les data scientists avec les services achats, logistique, marchandises, ressources humaines, etc. pour adapter les approvisionnements, le renforcement des équipes, voire les horaires d’ouverture des magasins. « Les data sciences permettent une démarche prospective pour être capable d’enclencher les bonnes actions », note Béatrice Grenade.

Aider à la prise de décision

L’exploitation des datas est avant tout considérée comme une réponse opérationnelle, interférant directement sur la prise de décision. « Par le passé, la prise de décision s’opérait de façon empirique, avec flair et pragmatisme. Aujourd’hui, grâce au big data, elle s’appuie sur des données scientifiques », souligne Julien Hervouët, fondateur de la start-up nantaise iAdvize dont la plateforme permet aux entreprises d’identifier, partout sur Internet, des opportunités de contacts en temps réel avec les clients et prospects. Le jeune dirigeant a impliqué les data scientists dans la stratégie de son entreprise dès sa création. « Leur mission est double : apporter une vision marché, mais aussi produit, dans une logique de laboratoire et de R&D », explique-t-il.

L’analyse des données s’invite par ailleurs dans les ressources humaines. « Pour le meilleur comme pour le pire », estime Olivier Charbonnier, DG du groupe Interface et co-fondateur de l’agende D-Sides. « Le traitement de données laissées par les collaborateurs peut fournir au manager une aide précieuse à la décision. Si les algorithmes détectent des absences répétées, des demandes de formation plus nombreuses ou une baisse de la production, c’est peut-être qu’il est temps de rencontrer la personne », dit Olivier Charbonnier.

Mais l’entreprise saura-t-elle prendre le contre-pied de la proposition scientifique de l’algorithme et affirmer sa subjectivité ? « Pourrons-nous ouvrir la boîte noire des algorithmes et en modifier le contenu si nous estimons que les données traitées ne sont pas les bonnes ? Comment éviter de créer de nouvelles normes au moment où l’on cherche précisément à s’en affranchir un peu au non de l’agilité, de l’autonomie et de l’innovation ? Il faut veiller à ne pas tomber dans un usage aveugle des datas et les mettre impérativement en débat dans l’entreprise », prévient Olivier Charbonnier.

A ce jour, dans les organisations françaises, le Chief Data Officer dépend le plus fréquemment de la DSI , la direction des systèmes d’information, ou de la direction Marketing. « Mais il pourrait très vite intégrer le comex ou le codir, présage Ahmad Hassan. Car l’exploitation en temps réel des données offre aux entreprises des opportunités sans limite ».

 

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Source de l'article : LesEchos